BUNKAI et/ou APPLICATIONS

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Le " bunkai " est à la mode, aussi bien à la fédération que dans les clubs ou sur Internet. On peut visionner de nombreuses vidéos donnant le " bunkai " des divers kata. La fédération appelle cela "application en Bunkai " ne se positionnant ainsi nullement quant à savoir qu'elle est la différence entre les deux.
Je n'ai rien contre les " applications " dans la mesure où l'on doit, pour faire le bunkai d'un kata, commencer par étudier les diverses applications possibles des techniques et enchainements contenus dans le Kata.
Néanmoins toutes les applications ne sont pas bonnes dès qu'elles sont intégrées dans le kata même si " elles marchent " en dehors de celui-ci. Elles sont même, dans certains cas, dangereuses. Aussi est-il important pour le pratiquant et pour le professeur d'être capable de faire la distinction entre application et bunkai dès que l'on se trouve dans le cadre du Kata.
Quelques exemples vous aideront à faire cette distinction.

1. Au début d'Eian-Shodan, par exemple, on retrouve souvent un dégagement de main dans les applications. En dehors du kata, " ça marche ".
Mais si on l'intègre dans le kata en tant que Bunkai, les choses sont tout à fait différentes. En effet, cela signifie qu'Uke, bien qu'entouré d'adversaires, laisse celui qui se trouve sur sa gauche entrer à distance courte sans réagir. Ainsi, son flanc gauche et surtout son dos sont exposés aux attaques de son adversaire. Toutes les techniques utilisables à distance courte et en corps à corps sont utilisables pour en finir avec lui si bien qu'il ne me semble pas utile qu'il poursuive le kata.
Qui pourrait croire qu'un maître ait pu vouloir transmettre une telle erreur mettant ainsi ses élèves en danger ???

2. Ensuite, dans ce même kata, les pivots sont quelquefois donnés comme des projections.
Intégré dans le kata, il faut alors arrêter brusquement notre déplacement vers l'avant ainsi que le retrait de notre adversaire et le tirer à nous pour obtenir le déséquilibre indispensable à une projection efficace. A ce moment, nous nous trouvons de dos par rapport à l'adversaire qui va nous attaquer ensuite, les mains occupées par l'adversaire qui se trouve à ce moment en corps à corps avec nous et notre mobilité réduite. Ensuite, nous allons reculer, dans un premier temps, en direction de celui qui va entrer à distance de combat derrière nous au risque d'être frappé dans le dos. La situation est indiscutablement dangereuse, même sans tenir compte du fait que l'adversaire que l'on tente de projeter peut être plus fort que nous à ce jeu.
Ensuite, si la projection est réussie, il devient difficile d'enchaîner les techniques suivantes sur un adversaire allongé à terre.
Enfin, si l'on prend ces applications comme bunkai on passera à côté de certaines notions fondamentales telles que la notion de tour d'horizon utilisé pour repérer les positions de nos autres adversaires, la coordination particulière à utiliser au cours de ce type de pivot, l'état d'esprit à avoir alors…

3. Dernier exemple, dans Eian-Sandan et Kanku-Dai nous trouvons, à la suite de Nukite, deux saisies donnant lieu à des dégagements de main, applications possibles hors kata.
Cependant, dans le kata, il est peu probable de trouver un adversaire se contentant d'une simple saisie. En outre, dans ce cas on se demande pourquoi on ferait les actions suivantes alors que de nombreux dégagements de main classique nous éviteraient de présenter le dos à notre adversaire. En fait, dans les deux cas l'adversaire tente une torsion de bras (SIA dans Sandan et SA dans Kanku-Dai) nous amenant à accompagner le mouvement pour le surpasser et à nous placer pour le frapper en profitant de ce que ses deux mains sont occupées ainsi que son intention.

J'espère que ces quelques remarques vous permettront de faire vos propres analyses des " Bunkai " qui vous seront présentés que ce soit sur internet, dans les ouvrages sur le sujet, dans les stages… Ainsi vous pourrez éviter les pièges tendus par les simples applications.

Une petite remarque supplémentaire.
Souvent, le fait que " ça marche " est considéré comme critère absolu pour considérer qu'un " bunkai " est juste.
Malheureusement, ce n'est pas si évident que cela.
En effet, dans le cas des " applications ", c'est valable dans la mesure où une application est mise au point librement en fonction à la fois du niveau de l'élève, de son partenaire et de leurs attributs physiques respectifs.
Par contre, dans le cadre du véritable bunkai, un bunkai juste n'est pas forcément du niveau actuel du pratiquant. C'est d'autant plus vrai pour les kata avancés et supérieurs que l'on apprend maintenant même avant la noire. Un enchaînement ou une technique peut demander un niveau de coordination nettement supérieur au niveau que l'on a atteint pour être pleinement efficace. Si arrivé au 1er dan vous n'y arrivez pas, plus tard ce sera probablement de votre niveau si vous persévérez.
D'autre part, il ne faut pas négliger le fait que lors de la création des kata certaines actions peuvent dépendre d'attributs physiques relatifs entre les partenaires. Par exemple, au début de kanku-dai, lorsque l'on utilise un arm-lock pour amener notre adversaire dans la ligne d'attaque du suivant, on rabat notre bras de haishu-uke, derrière le bras gauche de tori, s'il est plus grand, ce ne sera pas possible et il faudra modifier la technique pour que " ça marche " dans la réalité. Néanmoins, le principe " limiter les lignes d'attaques en ramenant notre adversaire dans la ligne d'attaque d'un autre adversaire " est le point le plus important et supprimer ce geste simplement parcequ'il "ne marche pas" fait passer à côté de cette connaissance.

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